La loi de Téhéran de Saeed Roustaee

 Aim the whale, catch the fish

Synopsis :

En Iran, la sanction pour possession de drogue est la même que l’on ait 30 g ou 50 kg sur soi : la peine de mort. Dans ces conditions, les narcotrafiquants n’ont aucun scrupule à jouer gros et la vente de crack a explosé. Bilan : 6,5 millions de personnes ont plongé. Au terme d'une traque de plusieurs années, Samad, flic obstiné aux méthodes expéditives, met enfin la main sur le parrain de la drogue Nasser K. Alors qu’il pensait l'affaire classée, la confrontation avec le cerveau du réseau va prendre une toute autre tournure...

La loi de Téhéran de Saeed Roustaee

MON AVIS :

Après avoir réalisé en 2016 Life and a day, Saeed Roustaee quitte la sphère familiale iranienne pour s’intéresser à un pan de la société à travers le trafic de crack.

L’œuvre ouvre directement sur une opération de terrain. Nous découvrons les protagonistes à travers leurs actions. Le fiasco qui s’ensuit et les informations glaner nous permettent de comprendre à quel stade nous arrivons dans l’enquête visant à démanteler ce business illégal.
Nous prenons donc un train lancé à pleine vitesse. Pour autant, nous ne sommes aucunement gênés par le manque de contextualisation. Les interactions entre les individus et l’avancée de la traque nous permettent rapidement de prendre nos repères.
Une fois les différents éléments assimilés, l’auteur change la trajectoire scénaristique pour s’engouffrer dans le cœur du sujet.
En effet, plus qu’un affrontement entre l’axe du Bien et du Mal, l’œuvre décortique le système pénal iranien. Nous entrons dans l’antre d’une bête étatique appliquant implacablement sa sentence au moindre écart de conduite.
Le fait que la détention d’une faible quantité de drogue soit passible de mort impacte fortement la dynamique des personnages et leurs motivations.

Bien que nous suivons deux protagonistes spécifiques, le réalisateur inclut dans cette confrontation la trajectoire de différentes personnes tentant de s’extirper de cette spirale infernale. Ces individus permettent de densifier le récit et d’offrir un aperçu plus complet de l’engrenage mis en place.
Certaines de ces histoires annexes sont bouleversantes tandis que d’autres flirtent avec l’absurde. Cette diversité de tonalité renforce la volonté de se rapprocher au maximum de la réalité. Il permet de nuancer le propos en montrant différentes mise en situation.
Cette structure narrative apporte aussi une dynamique. La multiplication des points de vue permet de faire des ellipses dans l’avancement de l’enquête sans pour autant perdre en cohérence.

Navid Mohammadzadeh menotte

Au sein du fil rouge, nous pouvons d’ailleurs observer un découpage par chapitre. Dans un premier temps nous avons la traque aux côtés de Samad puis ensuite une confrontation entre ce dernier et Nasser pour finalement se focaliser sur ce présumé baron de la drogue.
La transition entre chacune de ces étapes est fluide. Il n’y a pas d’explicitation de ce mécanisme narratif. L’évolution n’en est que plus grandiose.
Il influe fortement sur notre empathie. L’auteur joue sur notre code moral pour lentement le remettre en question à travers les actions de ses individus.
En agissant ainsi, le réalisateur prend à contre-pied les attentes du spectateur. Son apparent thriller urbain cache un drame social terrible. L’action musclée est ainsi remplacée par des confrontations verbales se jouant des rouages administratifs. Nous découvrons comment peut être instrumentalisé la Loi pour arriver à ses fins.
Ces moments sont tout autant intenses au vu des enjeux. Survivre à la procédure judiciaire est tout aussi ardu que lors d’une fusillade et le dénouement reste identique : mourir ou en ressortir libre.

Au final, La loi de Téhéran est une excellente surprise tant il nous amène dans un terrain peu exploité et captivant. Derrière sa façade de polar urbain âpre se cache une analyse sociale déchirante et nihiliste.
Il nous tarde découvre les prochains projets de Saeed Roustaee. À travers son objectif vit et péri l’Iran, difficile d’y rester insensible.



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