Athena de Romain Gavras

Athena City Gang

Synopsis :

À la suite de la mort de son plus jeune frère, Abdel retrouve sa famille déchirée. Entre le désir de vengeance de son petit frère Karim et le business en péril de son grand frère dealer Moktar, il essaye de calmer les tensions. La cité Athena se transforme en château fort devenant le théâtre d’une tragédie familiale et collective.

Athena de Romain Gavras

MON AVIS :

Co-fondateur du collectif Kourtrajmé, Romain Gavras s’est forgé une carrière cinématographique discrète entre clips musicaux pour des artistes renommés (Justice, M.I.A) et long-métrages atypiques (Notre jour viendra, Le monde est à toi).
Scénarisé conjointement avec Ladj Ly, ce nouveau projet est l’opportunité de bénéficier d’une meilleure exposition de son travail via sa distribution sur Netflix.

 

Ouvrant sur un plan-séquence retraçant l’attaque d’un commissariat, Athena nous happe dans sa cité fortifiée. Nous déambulons ainsi auprès d’un ensemble de protagonistes se dévoilant lentement à travers les évènements retranscris.
Le réalisateur expose ainsi son approche et le cadre de son action. Nous comprenons que les informations nous seront divulguées au grès des interactions.
La caméra en perpétuel mouvement cartographie la cité, ses individus et surtout ses factions. Les premières séquences nous permettent d’identifier chacune d’elles. Ces groupes se reconnaissent par leur uniforme porté comme de fière armure et est la représentation d’un courant de pensée.

Au sein de la nation française, structure idéologique se voulant homogène, ces entités actent des fractures fissurant l’idée du vivre-ensemble. Nous identifions facilement les diverses entités, leur doctrine et leur place au sein de l’échiquier.
De l’aveu des auteurs, la démarche est de créer une tragédie grecque contemporaine. Cette approche est flagrante sur cet aspect et les interactions entre les individus. Les luttes de pouvoirs s’entremêlent dans ce récit. La BO est une symphonie accompagne magnifiquement les évènements tragiques.
L’État, à travers les CRS, souhaite reprendre le contrôle de cette zone révoltée. Les insurgés sont assoiffés de vengeance et revendiquent leur autonomie. Les frères musulmans se veulent les médiateurs afin de trouver une issue pacifique. Les civils se retrouvent piégés dans une situation les dépassant. D’autres groupuscules gravitent aussi autour de cette agitation muent par des démarches bien moins altruistes. Ces enjeux s’entrecroisent constamment et permettent de redéfinir les enjeux au cours du récit.

Foule nuit illuminée fumigènes

Pour narrer cette dramaturgie, Romain Gavras ponctue son film de séquences imprégnant notre rétine. Outre la scène d’ouverture en plan-séquence, d’autres se démarquent tel cet assaut des CRS en pleine nuit se terminant tragiquement.
Ce soin apporté à l’image et au son compense pleinement les carences dans le jeu d’acteurs et l’originalité du scénario.
En effet, l’intrigue se veut être une tension constante sur une unité de lieu et temps réduite. Elle entraîne ainsi le spectateur dans un flux constant d’informations laissant peu de place à la prise de recul. Les écueils de l’œuvre sont ainsi moins dommageables.
De même, la portée sociale bien que louable se construit sur des facilités d’écriture. Les personnages sont enfermés dans une posture qu’ils ne quitteront pas. Certains se transforment en caricature à force de se cantonner à ce rôle. Ce manque de nuance n’entrave pas le déroulé du récit mais impacte son ancrage dans notre réalité.
Pour autant, la révélation sur l’identité des individus à l’origine de cette révolte permet de rappeler la facilité avec laquelle une colère aveugle peut être manipulable. Le contrôle de la peur est une arme puissante. Elle permet de maîtriser des individus tout en restant en second plan de la manœuvre.

 

En somme, Athena est une proposition intéressante sur la façon dont peut être maniée la haine. Loin d’être dépourvu de défauts, l’œuvre réussie à nous immerger dès sa scène d’ouverture jusqu’à son générique dans ce récit riche en tensions. Si les prochaines projets de Romain Gavras étoffent leur scénario tout en conservant cette proposition de mise en scène, nous aurons droit à des long-métrages



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