La Lune de Jupiter de Kornél Mundruczó
Fly across borders
Synopsis :
Un jeune migrant se fait tirer dessus alors qu'il traverse illégalement la frontière. Sous le coup de sa blessure, Aryan découvre qu'il a maintenant le pouvoir de léviter. Jeté dans un camp de réfugiés, il s'en échappe avec l'aide du Dr Stern qui nourrit le projet d'exploiter son extraordinaire secret. Les deux hommes prennent la fuite en quête d'argent et de sécurité, poursuivis par le directeur du camp. Fasciné par l'incroyable don d'Aryan, Stern décide de tout miser sur un monde où les miracles s'achètent.

MON AVIS :
Ouvrant sur un saisissant plan-séquence retranscrivant une tentative, pour des migrants, de traverser une frontière, le réalisateur capte instantanément notre attention. On suit ce périple dans son intégralité, créant ainsi une tension à chaque instant et installant d’emblée une atmosphère âpre à son univers.
On se retrouve à suivre un duo d’antagonistes. D’un côté, le jeune homme apatride mue par des sentiments humanistes (trouver son père et un refuge pour se reconstruire). Le second homme est un docteur, désabusé par son monde, aux motivations purement vénales.
Ce couple imparfait va créer une certaine dynamique de dépendance/répulsion devenant très vite le cœur du récit. Leurs objectifs divergeant vont les mettre face à des situations souvent tragiques et parfois poétiques.
Le fil rouge, ainsi que sa trajectoire narrative est, certes convenu, mais suffisamment rythmé pour qu’on se laisse entraîner dans ses péripéties. D’autant que l’ensemble est superbement réalisé.
En effet, le point fort de La lune de Jupiter est assurément la justesse de sa mise en scène. Outre le recours à des plans-séquences fluide décuplant les émotions retranscrits sur pellicule, Kornél Mundruczó varie les procédés en fonction de la scène et son environnement.
On retrouve, dans cette bobine, des traveling latéraux , du shaky cam ou encore des caméras en vue subjective. Chaque parti-pris est pertinent et permet de nous faire ressentir la tension ainsi que la sensation de danger immédiat vécus par ces personnages.
Seuls les moments de lévitation offrent un répit bienvenu dans ce monde anxiogène. Ces instants donnent la sensation d’assister à un ballet où le temps est suspendu durant la prestation de notre jeune homme. L’auteur laisse ainsi le spectateur reprendre son souffle avant de l’entraîner dans les méandres d’une société malade.
L’ensemble est techniquement impeccable et transforme ce récit en un excellent moment de cinéma. On ressort de la séance légèrement bouleversé par ce rollercoaster cinématographique. La noirceur de ce monde couplé à la faculté de l’auteur à nous impliquer dans chaque action de notre duo crée une alchimie envoûtante. Cette dernière nous confronte à une dualité entre la fascination plastique de la forme et la répulsion de cette vision de notre société comme toile de fond.
Le prochain projet de Kornél Mundruczó serait un thriller horrifique écrit par Max Landis avec Bradley Cooper en tête d’affiche. On espère que l’auteur aura assez de liberté pour mettre à profit son talent.