La noria de Carlos Baena:
Avec son film d’animation muet, l’auteur nous embarque, durant une douzaine de minutes, aux côtés d’un jeune garçon isolé et en danger. Le bestiaire déployé est stimulant, chaque monstre a sa propre spécificité, sa propre morphologie. La course-poursuite est bien rythmée. On ressent la tension à chaque fois que le danger se présente.
L’ensemble est un torrent d’émotions allant de l’émerveillement face à son aspect plastique à la terreur pure lorsque l’enfant doit fuir la menace.
Le jour où maman est devenue un monstre de Joséphine Hopkins :
Comme le titre l’indique, le récit suit la mutation d’une mère à travers les yeux de sa progéniture. Passée une exposition courte et efficace, nous suivons la transformation de la femme et surtout la façon dont l’enfant gère cette situation.
L’œuvre opte pour une approche sobre et intimiste. Un choix pertinent permettant de mettre en avant les émotions plutôt que le spectaculaire. En ce sens, l’autrice réutilise intelligemment divers éléments de son introduction dans la suite du récit.
Une approche pertinente au service d’une histoire émouvante.
My little goat de Tomoki Misato:
Réalisateur japonais, Tomoki Misato tente le pari d’aborder la mythologie du grand méchant loup autant sur son aspect conte pour enfants que son sous-texte, plus difficile, sur la pédophilie.
Le résultat est détonnant ! Le récit part sur un chemin rapidement balisé pour ensuite injecter un nouvel élément renversant les rapports entre les personnages. La construction des protagonistes s’effectue dans l’action. L’œuvre gagne ainsi en efficacité.
On est attendri par le comportement de ces chevreaux et atterré par les calcaires qu’ils vont endurer.
Un court-métrage maîtrisé tout du long. Une jolie découverte.
Baghead de Alberto Corredor :
Huit-clos anglais, le récit suit un homme en quête de réponse.
Passé une introduction installant une ambiance pesante. L’auteur désamorce habillement la situation en injectant une dose d’humour bien pensée.
L’histoire est classique, sa trajectoire parfois prévisible, mais est parfaitement maîtrisée tout du long.
La dynamique dans le dialogue compensé habillement l’immobilisme de l’action.
Muñecas de Eva Muñoz:
Extrêmement resserrée dans sa trajectoire narrative, Eva Muñoz privilégie la définition de son personnage principal à travers ses actes. On devine donc ses motivations, son état mental via les sévices qu’elle fait subir à ses victimes.
Il en ressort une atmosphère poisseuse, anxiogène que la caméra ne fait que décupler les sensations.
L’ensemble est construit intelligemment à l’image de l’effet miroir produit par la première et dernière scène du court.
L’absence d’explicitation risque d’en frustrer plus d’un, ce choix à le mérite d’épurer le récit et d’impliquer le spectateur en le laissant imaginer le contexte ayant amené à cette situation.
Et le diable rit avec moi de Rémy Barbe:
Longuement chroniqué
ici, l’œuvre de Rémy Barbe est toujours autant électrisant à visionner. Assurément le court le plus radical de la sélection.
The Absence of Eddy Table de Rune Spaans :
L’auteur transforme ici une ballade bucolique en course pour la propre survie de son protagoniste. En créant des personnages aux proportions exagérées, eux-mêmes évoluant au sein d’une flore atypique, on obtient une relecture romanesque des Body Snatcher sous substances.
Un mélange étonnant, déroutant et amusant. Il est assurément le plus inoffensif de l’ensemble, mais bénéficie d’une patte graphique intéressante et remarquable.
Épilogue:
Avec sa sélection de sept court-métrages très hétéroclite, l’Hybride offre un tour d’horizon passionnant sur la représentation des démons qui nous entoure, ou nous habite. L’ordre de diffusion est bien pensé. Il permet d’amorcer doucement la thématique et monte crescendo jusqu’au court de Rémy Barbe. Le choix de clôturer sur l’œuvre de Rune Spaans permet de faire redescendre la tension et terminer sur une note plus légère.